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Glissé entre les films de Bruno Nuytten et de Bruno Dumont, le projet était de s'interroger sur le terme de la folie, celle mise à l'index par la société, celle revendiquée parfois par les artistes. Camille ne serait-elle pas, finalement dans cet "entre", entre la jeune fille passionnée et amoureuse et la femme vieillissante cassée et séquestrée ? Comment reconstruire son vrai visage, comment modeler sa vraie personnalité ? Les nourritures furent diverses allant de la plus historique en passant par la plus romancée afin que le visage de cette femme émerge peu-à-peu de toutes ces projections, celle des écrivains, celle des médecins, celle de son frère écrivain, celle de la mère lointaine, celle de l'homme aimé. Quel angle montrer ? Celui de l'internée dans un asile d'aliéné, celui du génie méconnu, celui de la femme dérangeante dans une société d'hommes ?

 

 

Le spectacle ne choisit pas, ne répond pas. La folie, l'inadaptation au monde, l'exil imposé à soi- même se lit principalement dans la déconstruction du temps, dans les voix qui se parlent sans se répondre. A cette femme dont on a tellement moins parlé finalement que du vénéré Rodin, que du reconnu et talentueux Paul, est redonné ici la force première, celle de la créatrice qui fait surgir les corps de la pierre. C'est elle qui convoque les visages, les formes et les mots, c'est elle qui mêle les dates et dissout les repères. Intransigeante et absolu, artiste et amoureuse, le monde d'alors l'a expulsée comme un corps étranger. Aurait-elle plus de place dans notre monde moderne ?

 

 

Créé en  mai  2015, le projet a  été refondé afin d'intégrer  l'univers de Bach  à l'orgue, une profonde obsession sous une apparente tempérance. Il baigne tous les mondes de Camille, celui de l'enfance où elle se nourrit des éléments de la nature et se fait visionnaire, celui de la révolte, celui de l'acharnement, celui de l'hébétude, celui de l'apaisement. L'orgue habille aussi l'espace d'un instant, l'espace d'un souvenir, l'évocation des "portes de l'Enfer": les couples dessinés par les corps des deux comédiennes se font symbole du gigantisme de Rodin, de la sensualité de Camille, de la création partagée, de la vie sublimée.

 

                                                                                                                          

K.mille, c'est ainsi qu'elle signait ses lettres, c'est ainsi qu'elle aimait à se nommer, K.Mille, un destin, une énigme, une passion, une quête, un désir d'absolue liberté, un hommage à l'humaine beauté.

Vidéo : Pierre Noirault

Mention spéciale du jury au festival Festhea 2016

Prix du jury au festival de Marcillac "ThéâtraVallon" 2018

Retours du public

11 mars 2018

 

"Un uppercut foudroyant, une gifle prise de plein fouet, un spectacle incandescent à marquer d’une pierre blanche et qui laisse K.O.! Des textes incroyablement poignants et douloureux, une personnalité d’une extrême complexité, passionnée jusqu’à se détruire, telle nous apparaît Camille Claudel dans cette version présentée hier à Marcillac dans le cadre du Festival par la Compagnie Dékalages, une troupe venue de Charente Maritime. Ni le glamour pathétique d’Isabelle Adjani dans le film de Bruno Nuytten, ni celui dévasté de Juliette Binoche chez Bruno Dumont, très loin aussi de l’ingénuité frivole autant qu’amoureuse dans la version de Jacques Doillon, là sur scène, accroupie, quasi prostrée au milieu de ses sculptures, elle rayonne d’une folle énergie, celle d’un astre pas encore tout à fait éteint… mais déjà déchue… Ses relations houleuses avec sa mère à celles beaucoup plus ambiguës avec son frère, tendrement surnommé Petit Paul, ou celles destructrices avec Rodin, elle nous les jette au visage, comme une ébauche brute d’une oeuvre d’argile ou de plâtre inachevée restant encore à façonner, polir, affiner, modeler, rectifier jusqu’à la perfection impossible… Nourris de ses propres écrits échangés avec sa famille, des correspondances restées souvent sans réponse, autant d’appels au secours qui n’aboutissent jamais, elle se mure insensiblement dans une solitude de plus en plus aiguë… Trente ans d’incompréhensions, de non reconnaissance artistique et/ou de déboires sentimentaux l’ont ravagée, détruite, corps et âme et bientôt elle ne sera plus qu’épave… C’est dire le défi immense que celui d’illustrer un tel destin hors du commun, où ombres et lumières se font écho, où paranoïa et internement psychiatrique sont indissociables de son génie… « Dans la tête de Kmille », référence à sa manière de signer son courrier, retrace autant une trajectoire individuelle brisée qu’elle ne souligne la tragédie d’une créatrice visionnaire, hélas constamment vampirisée par les hommes de sa vie, du talentueux écrivain au maître adulé… Deux comédiennes solaires se consument pour incarner ce maëlstrom tout de folie, de fureur et de sensualité: Marie-Hélène Leliévre, crinière flamboyante dans le rôle titre et Valérie Pénicaud figurant tour à tour avec subtilité tous les autres protagonistes, miroir ingrat où se cogner encore et encore. La mise en scène toute de fluidité et de justesse évoque autant les poses voluptueuses à l’atelier, l’érotisme exacerbé, la virtuosité du geste que l’abîme dans lequel cette artiste visionnaire éprise d’absolu glisse inexorablement… Quelques notes d’orgue…. Exceptionnel."

https://jeandessorty.wordpress.com/

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